Explorer par thématiques

<---
Retour

21 juillet 2022

5 min

Administratif

“L’onboarding et la facturation des freelances restent un gros point noir”

Les amateurs de l’émission “Qui veut être mon associé ?” connaissent parfaitement son visage. Business angel reconnue, membre de nombreux boards, Catherine Barba se lance aujourd’hui dans une nouvelle aventure en cofondant Envi, la première école pour les indépendants. L’occasion de parler futur du travail, freelancing et collectifs lors de son passage sur le salon Go entrepreneurs à Lyon.

Catherine Barba, cofondatrice d'Envi School

Il y a 25 ans, vous faisiez partie des pionnières du digital. Aujourd’hui, vous co-fondez la première école pour les indépendants. Pour vous, la prochaine grande rupture, c’est donc celle du travail ?

Catherine Barba : Effectivement, il existe pour moi un vrai corollaire entre ce qui s’est passé avec la révolution digitale il y a 25 ans, et ce qui se passe désormais dans la sphère travail. Ces dernières décennies, ce sont les fondements de l’entreprise qui ont été questionnés, et plus précisément la place du client dans celles-ci.  Maintenant, c’est celle du travailleur qui est en jeu, et je trouve le parallèle intéressant. Cela pousse les entreprises à revoir les fondamentaux de leur culture. Le questionnement est profond car les salariés sont l’asset le plus important pour une entreprise. Sans talent, il n’y a pas de croissance. L’enjeu est donc de renouer avec cette croissance mais de façon différente, avec davantage de responsabilité. Le sujet est particulièrement complexe et cette révolution ne se fera pas sans questionner notre rapport au travail, et notamment notre relation avec le contrat de travail.

Pourquoi pressentez-vous une explosion encore plus franche du freelancing ?

Catherine Barba : Je vois trois sources qui vont contribuer à cette explosion. Tout d’abord, les plus jeunes qui nourrissent un moindre amour pour le salariat et se tournent volontiers vers l’entrepreneuriat. Mais quand il s’agit de faire naître une licorne, il y a beaucoup d’appelés et peu d’élus. Alors, créer une entreprise individuelle peut être un levier très adapté pour s’épanouir tout en visant quelque chose d’accessible. Cela n’est pas moins ambitieux mais plus à portée de main. Ensuite, par nécessité ou par choix, nous allons retrouver aussi de plus en plus de gens issus du circuit corporate. Enfin, il y aura les salariés qui joueront sur les deux tableaux (voir notre article sur le CDI mi-temps et le freelance cumulés).

Pourquoi avoir décidé de monter Envi : vous estimez que les indépendants ne sont pas assez "professionnalisés" ? 

Catherine Barba : Avec Envi, l’objectif n’est pas de faire du freelancing un hobby, mais une activité durable et rentable (à ce sujet, vous pouvez consulter notre article sur les 10 étapes pour doubler votre TJM, ndlr). Or, il n’existe à ce jour pas de lieu pour l’apprendre. Je vois de nombreux coachs, consultants, freelances de tous bords qui pourraient mieux performer s’ils développaient leurs capacités de vente, leur usage du digital ou encore leur habilité à gérer une petite boîte, même s’ils n’ont pas fait d’école de commerce et n’ont aucune connaissance de la comptabilité. Nous pensons donc qu’il y a bien deux ou trois choses à savoir pour que leurs fondations soient plus solides, et que les freelances vivent mieux. C’est vraiment cela qui me motive aujourd’hui dans ce projet !

Les indépendants doivent donc en priorité apprendre à devenir leurs propres commerciaux ?

Catherine Barba : Avec Envi, l’objectif est de faire une évaluation des prédispositions et capacités entrepreneuriales de chacun, et de voir où il y a un trou dans la raquette afin de cibler la bonne formation. Durant un an, nous avons interrogé des freelances pour mieux comprendre leurs failles et leurs besoins. Pour certains, ce sera d’identifier, convaincre et fidéliser un client à cause d’une mauvaise maîtrise du digital (pas de LinkedIn, pas de newsletter etc). Pour d’autres, ce sera une absence de connaissances comptables comme l’établissement d’un compte de résultat ou d’un plan de trésorerie. A chaque fois, le but n’est pas de devenir un expert mondial mais simplement de connaître les bons basiques pour chaque projet et de les appliquer pour performer. Et puis il y a aussi d’autres sujets davantage liés aux soft skills comme la confiance en soi, ou le rapport personnel que l’on entretien à l’argent.

Concrètement, quels sont selon vous les principaux freins des freelances quant à l’explosion de leur activité ?

Catherine Barba : Déjà, lorsque l’on est freelance, on n’a pas forcément vocation à faire exploser son activité puisque par essence, on est limité par sa propre personne. Le travail indépendant n’est pas exponentiel, autrement, il faut recruter. Par contre, toute activité doit devenir rentable. Alors, les indépendants gagneraient à développer une offre plus durablement rentable en développant leur visibilité en ligne, leur capacité à piloter leur entreprise ou à traiter le marché en profondeur. Et pour cela, la meilleure façon de le faire est de s’entourer de personnes qui sont passées par là : c’est pourquoi les mentors d’Envi sont tous entrepreneurs (Justine Hutteau, Eric Larcheveque, Augustin Paluel-Marmont, Frédéric Mazzella, Céline Lazhortes, Marc Simoncini…)

Chez Collective, nous défendons l’idée que les collectifs de freelances sont justement un bon levier pour augmenter ses revenus (notre première étude montre qu’ils gagnent 30% de plus que les freelances solo). Quel est votre regard sur ce phénomène ?

Catherine Barba : Je trouve cela formidable car on ne fait rien tout seul. Ensemble, on peut aller beaucoup plus loin, profiter des compétences des uns et des autres, se sentir épaulé. C’est bon à la fois d’un point de vue psychologique mais aussi professionnel, car il est très intéressant de sortir de sa verticale métier pour s’ouvrir à d’autres spécialités. C’est vraiment la diversité qui crée l’intelligence et la valeur.  Cela va permettre aux indépendants d’ouvrir leurs chakras mais aussi de s’arroger de nouvelles opportunités de business. Je crois donc encore plus aux collectifs multi compétences.

Pour finir, quel est votre regard sur les entreprises :  sont-elles désormais plus matures dans leur manière de travailler avec les freelances ?

Catherine Barba : On est en chemin ! Mais il existe encore deux points noirs : l’onboarding et la facturation des freelances. C’est pourquoi il me semble essentiel de sensibiliser les entreprises sur ces sujets, afin qu’elles apprennent à mieux collaborer avec les freelances. C’est essentiel que les entreprises comprennent que la croissance va notamment passer par ces indépendants. Il faut cesser la dichotomie dedans-dehors, et simplement gérer un portefeuille de compétences. Mais les sociétés évoluent rapidement sur ces sujets, et ce, même dans les grandes entreprises. 

A savoir : Tout le monde peut intégrer Envi dès lors qu’il a une idée ou même un rêve. Des formations courtes de 2 semaines sur des thématiques précises sont proposées, et d’autres sur 3 mois. Elles sont éligibles au CPF.

Propos recueillis par Paulina Jonquères d'Oriola

Paulina Jonquères d'Oriola

Membre du collectif PROZ - Journaliste Sénior

Contenus

“L’onboarding et la facturation des freelances restent un gros point noir”

Ces articles pourraient vous intéresser