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23 mai 2022

11 min

Marketing & Growth

A quoi ressemblera le content marketing en 2025 ?

Alors que les content factories fleurissent au sein même de nombreuses startups, et que les ambitions média des entreprises sont de plus en plus vivaces, quels seront les contours du content marketing dans les prochaines années ? Le contenu serait-il en passe de (re)trouver ses lettres de noblesse ?

Pour tenter de mieux comprendre les enjeux du content marketing dans les prochaines années, nous avons convoqué l’expertise de trois professionnels : Solène Cornec, Content Lead chez Swile, Matthieu Amaré, Head of Digital Media Europe chez Welcome to the Jungle, et Mélissa François, Content, Comms & Social Lead chez PlayPlay. Décryptage.

La guerre du contenu a bien lieu !

Le content marketing n’est plus… vive le content marketing !

Le content marketing a tellement évolué ces dernières années que sa définition n’est plus aussi limpide qu’autrefois. D’ailleurs - pour ne pas nous faciliter la tâche - elle varie d’une entreprise à l’autre. “A la base, le content marketing a été conçu pour générer des leads, avec des objectifs intimement liés à ceux des équipes business”, décrit Solène Cornec, Content Lead chez Swile. Mais elle opère ici une première dissociation avec le brand content, “qui vise plutôt à éduquer le public sur des sujets méconnus, souvent disruptifs”.

Changer les mentalités, c’est précisément ce que Swile tente d’opérer à travers son blog qui explore la thématique de l’engagement sous toutes ses formes, puisque l’entreprise ne vend pas qu’une carte de titres restaurant, mais bien d’autres services visant à améliorer l’expérience du collaborateur.  “Nous sommes donc obligés de créer des contenus très “top of the funnel” par rapport à notre produit”, affirme-t-elle. Cela passe concrètement par l’interview ou la contribution directe d’experts, ainsi que le recours à des journalistes dans la production des contenus sur des sujets de prospective notamment.

Ces contenus visent à créer de la confiance avec le lectorat, même si ce dernier n’est pas dupe : le contenu sert toujours indirectement les intérêts de l’entreprise. Toutefois, “pour que nous soyons crédibles, notre ligne éditoriale doit être libre”, affirme Solène Cornec. Des enjeux de notoriété qui suivent une temporalité plus long-termiste, pouvant parfois entrer en friction avec les objectifs d’autres équipes, comme les sales, qui ont plutôt des objectifs par quarter.  “Nous devons donc toujours jongler entre ces différentes temporalités, car un article SEO ou un sujet très niche ne vont pas forcément porter leurs fruits dans les 3 mois”, poursuit notre interviewée qui nous confie également travailler de manière profonde l’identité de ses personas qui évoluent sans cesse à mesure que le monde du travail évolue, puisque Swile vise en premier lieu les RH (qui ont drastiquement changé en 3 ans !).

A la faveur des évolutions du produit, la stratégie de contenu d’une entreprise est donc sujette à de multiples changements de cap. Solène Cornec nous confie ainsi devoir régulièrement refondre sa ligne éditoriale pour s’adapter à ces mutations.  C’est pourquoi il n’est pas toujours facile pour les équipes content de se staffer en interne. Souvent, les entreprises misent sur un content manager qui travaillera ensuite avec des partenaires externes : freelances solo, agences ou bien collectifs de freelances pour un accompagnement plus global sur le contenu. 

Du content marketing au média, où sont les véritables frontières ?

Alors que les contenus proposés par les entreprises tendent de plus en plus à positionner les marques comme de véritables leaders d’opinion dans leur domaine d’expertise, où sont finalement les frontières avec un véritable média ? Pour répondre à cette question, tournons-nous vers Welcome to the jungle, modèle unique en son genre à l’échelle hexagonale, européenne, voire mondiale.

Dès sa création, WTTJ a mis le paquet sur le contenu en se donnant une mission : réinventer le monde du travail, et le faire évoluer vers des pratiques plus vertueuses. Dès le début, Welcome to the Jungle n’a pas hésité à prendre des positions clivantes, quitte à déplaire à ses potentiels clients. Mais en créant un branding très fort, WTTJ a su capter et fidéliser une audience - à la fois B2B (RH) et B2C (candidats) - qui n’a cessé de croître. Avec la crise sanitaire et l’explosion de la quête de sens au travail, WTTJ a eu du nez !

Ce positionnement très fort, Welcome to the Jungle le doit “à l’intuition originelle de la part des fondateurs qui ont voulu créer un média de référence sur le monde du travail”, rapporte Matthieu Amaré, Head of Digital Media Europe chez Welcome to the Jungle. Un point capital que confirme Solène Cornec, qui concède que l’importance du contenu dans une entreprise est très souvent fonction des croyances de son fondateur dans les stratégies d’inbound marketing.

Pour en revenir au cas d’école Welcome to the Jungle, le curseur a été poussé si loin que l’entreprise a un temps publié un magazine print, absolument dénué de publicités. Si le projet print n’a pas perduré, le média digital de WTTJ est plus puissant que jamais, avec pas moins d’un million de visiteurs uniques chaque mois en France et plus de 588 000 followers sur la page LinkedIn, soit le troisième média le plus puissant sur ce réseau dans l’hexagone (après Le Monde et Les Echos). Un vrai coup de maître ! Au global, pas moins de 2,7 millions de visiteurs transitent sur Welcome to the Jungle (plateforme de recrutement incluse) dans le monde.

Mais alors, Welcome to the Jungle peut-il être qualifié de véritable média ? D’un point de vue juridique, non, car il ne s’agit pas d’une entreprise de presse. Et même si les journalistes qui y travaillent sont issus des mêmes écoles que leurs confrères de la presse traditionnelle, ils ne peuvent pas prétendre à la carte de presse. “La vraie différence avec la presse traditionnelle, c’est l’indépendance économique. Autrement dit, seuls des médias comme Médiapart, qui sont financés non pas par la pub mais par les lecteurs, sont véritablement indépendants”, affirme Matthieu Amaré.

Ce point fait d’ailleurs l’objet de nombreuses discussions stratégiques sur l’avenir du média de WTTJ. Welcome to the Jungle s'est organisé en dissociant deux équipes : une team marketing qui gère le contenu de conversion, leadée par un CMO (Chief Marketing Officer), et une team média qui fonctionne comme une rédaction traditionnelle, pilotée par une CCO (Chief Content Officer). “Nous avons récemment repensé la place du média au sein de l’entreprise et nous avons stoppé le membership (login avant de consulter les articles, ndlr) pour nous concentrer davantage sur la recherche de traffic sur le site”, argue Matthieu Amaré.

Dès lors, le média Welcome to the Jungle sert la brand de manière générale, sans tracking direct, si ce n’est le suivi des performances des métrics traditionnelles des médias (PV, VU notamment). Reste que WTTJ doit rendre des comptes à ses investisseurs ! A titre informatif, il faut savoir que 35 personnes travaillent à la rédaction de Welcome to the Jungle en interne, et presque autant de freelances contribuent en externe. 

Avoir un média, cela suppose des coûts conséquents (imaginez autant de salaires à payer à la fin du mois !).  “Peut-être qu’un jour, le média devra trouver son propre modèle économique via le membership ou la publicité. Ce sont des grandes questions que nous devons anticiper”, souligne Matthieu Amaré. 

Le content marketing nouvelle génération signe-t-il l’avènement de la vidéo ?

Vous l’aurez compris, pour reprendre les mots de Thibaud Elziere, CEO d’eFounders, “content is king” ! Pour autant, à l’heure où le contenu pullule sur tous les supports, il ne s’agit pas non plus de bombarder les personas d’informations. C’est aussi le point de vue de Mélissa François, Content, Comms & Social Lead chez PlayPlay, qui exerce à Londres après avoir mené la stratégie de contenu de Zoom.  “Ma baseline est la suivante : create value, not noise. Je suis convaincue que le contenu, c’est bien plus que d’écrire un article de blog. Nous sommes passés du tout SEO à des stratégies basées sur l’apport de valeur”

On vous arrête tout de suite : nous ne disons pas ici que le SEO est mort, loin de là. Il demeure essentiel, surtout si l’on veut déployer une croissance organique et ne pas compter sur son budget d’ads, à l’heure où les réseaux sociaux centralisés sont de plus en plus critiqués. Mais le SEO doit tout simplement être habilement manié.

Exit, l’article de référencement froid et ennuyeux, bonjour le contenu haut-en-couleurs qui explore tous les formats possibles et imaginables. Alors que le temps de cerveau disponible des lecteurs et auditeurs se réduit à mesure que nos rythmes de vie s’accélèrent, deux chemins peuvent mener au succès. Celui des contenus longs, analytiques, qui vont apporter une RÉELLE plus-value à travers des articles poussés ou encore des podcasts de format long.

Et à l’inverse, les contenus faciles à consommer, qui ne conservent que la substantifique moelle de l’information, le tout mis en scène de manière énergique. Mélissa François, dont l’entreprise est devenue une référence dans la création de contenus vidéos qualité agence en quelques minutes, mise naturellement sur ce format : “la vidéo est devenue le support phare des marketeurs ces dernières années, car elle permet aux marques de communiquer leur message, tout en engageant leurs spectateurs”. Son crédo ? Less writing, more watching/listening !  

Le choix du format et de la tonalité font partie intégrante de la stratégie de contenu déployée par l’entreprise. “Chez Swile, on a misé sur un tone of voice hyper décalé. Et on n’hésite pas non plus à multiplier les formats. On voit par exemple que la Newsletter revient en force, mais peut-être que pour une autre entreprise, ce sera le podcast. Par exemple, si l’on vise des commerciaux sur la route, c’est très pertinent. Ce qui est essentiel, c’est de bien réfléchir aux raisons qui nous poussent à opter pour tel ou tel format, et non pas de suivre des effets de mode”, martèle Solène Cornec. 

Pour tous nos interviewés, il est clair que le contenu est clef dans la création d’une réelle affinité avec la marque. Cela suppose d’être capable de fournir le temps et le budget nécessaire, sans toujours récolter immédiatement le fruit de ses efforts. “Quand on regarde le parcours client et le funnel marketing, il est clair que tous les prospects ne sont pas immédiatement prêts à acheter. Cependant, si votre contenu vous permet d’être perçu comme un leader d’opinion, et une marque de confiance, vous gagnerez des clients avec un pouvoir de recommandation incroyable à long terme”, affirme Mélissa François.

Et demain ?

Pour conclure, tentons un petit exercice de prospective. A quoi pourrait ressembler le content marketing de demain ? Pour Mélissa François, il est clair que les équipes de content marketing devront s’armer d’outils de création de contenu pour parvenir à toucher correctement les audiences visées. Bref, ne pas lésiner sur les investissements.

Pour Solène Cornec, il est évident que toutes les fonctions vont être impactées par l’approche contenu. “On peut imaginer un jour que la data chez Swile devra par exemple communiquer sur ce qu’elle fait”, illustre-t-elle. Elle croit aussi farouchement en la démultiplication des formats pour traiter d’un même sujet.

Enfin, Matthieu Amaré regarde avec beaucoup d’attention ce qui s’opère actuellement aux Etats-Unis, avec le rachat par des acteurs de la tech de grands médias bâtis sur une réelle indépendance éditoriale (historiquement TechCrunch par AOL en 2010, puis Courier par Mailchimp en 2020 et The Hustle par HubSpot en 2021). Une petite révolution qu’il voit d’un oeil plutôt positif pour les journalistes en ce qu’elle leur ouvre de nouvelles perspectives, les plaçant au cœur du changement : “les journalistes vont pouvoir déployer leur capacité à rendre intelligible le contenu, à travers des formats toujours plus innovants”. 

Quant aux médias traditionnels, ils vont devoir considérablement hausser leur niveau de jeu pour augmenter la valeur de leur proposition éditoriale. Bref, nous voilà entrés dans une ère fertile pour les créateurs de contenu !

Paulina Jonquères d'Oriola

Membre du collectif PROZ - Journaliste Sénior

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